Être surdoué : une cause de l’anorexie mentale

(Cet article vous est proposé par Madeleine Julliard, thérapeute. Pour plus d’informations sur l’auteur, voir en bas de page.)

Que cachent ces jeunes filles anorexiques ? La littérature nous informe qu’elles sont intellectuellement brillantes et qu’elles se réfugient dans les études. On constate même une véritable frénésie d’activités chez certaines anorexiques qui semblent ne ressentir ni la fatigue, ni le froid ni le besoin de sommeil.

Ce symptôme débute généralement entre 13 et 20 ans, sans raison apparente, ou après un traumatisme affectif, chez une adolescente jusque là sans histoire.

  1. Dolto nous dévoile les sources analytiques de l’anorexie : « Dans la pathologie de l’image du corps après la castration œdipienne, puis en période de latence […] les adolescentes présentent très souvent, au point de vue clinique, des problèmes d’anorexie, quelques fois légers, mais qui peuvent devenir forts graves. Il faut comprendre ce symptôme par rapport à l’image du corps. Il ne remonte pas à l’Oedipe, mais bien avant, entre trois et six ans. L’œdipe ne fait que remanier ce qui s’était passé quand les fillettes étaient plus jeunes. »

Pour ma part, selon mes expériences professionnelles, j’apprécie aussi la définition du psychologue Norbert SILLAMY, plus proche de mes observations : « L’analyse psychologique fait apparaître, dans presque tous les cas, un conflit actuel avec l’entourage, plus spécialement avec la mère. La crainte de l’abandon, la culpabilité liée à l’éveil de la sexualité, provoque parfois ce comportement, qui signifie la nostalgie du passé, le désir de revenir à une situation infantile.

A travers le rejet du corps et de ses besoins, s’exprime l’incapacité d’intégrer les transformations physiques et affectives de la période pubertaire et le refus de la sexualité génitale. L’ascétisme et l’intellectualisation, banal à l’adolescence, sont ici poussés à l’extrême. Le corps souhaité, fantasmé, est un corps mince, séducteur dont la connotation phallique reste constamment refoulée. »

Cela dit, je pense que les jeunes filles que j’ai reçues relevaient plutôt d’un contexte dépressif, et non d’une lutte contre la faim.

Ce que je peux confirmer, c’est que c’est bien au moment de l’éveil de la sexualité que ce symptôme se déclare. Les jeunes filles que j’ai reçues avaient toutes quatorze ans ! Mais ces jeunes filles étaient surdouées, (ce qui a été prouvé par des tests de QI, à ma demande) D’où des conflits importants avec leur entourage scolaire et par conséquent, l’entourage familial. D’où cette crainte inconsciente de l’abandon, mais aussi un fort sentiment de culpabilité de ne pas être comme les autres, sans savoir pourquoi, ce qui engendre un mal être général, synonyme de « mal dans sa peau. », on pourrait dire que cette anorexie est une dépression masquée.

Une psychothérapie d’inspiration analytique  serait  longue et peu d’efficace. Avec la relaxation hypnotique, qui donne du recul aux évènements, et quelques visualisations, pour changer de comportement, ces cas ont été réglés rapidement, malgré quelque fois des situations douloureuses.

 

Mais qui sont ces surdoués ?

       J’ai découvert cette « maladie » étrange, lorsqu’une jeune fille en pleine dépression, (mais pas anorexique), est arrivée dans mon cabinet et m’a narré son histoire : Elle avait passé son baccalauréat aisément, avec un an d’avance, et avec mention, mais lorsqu’elle aborda les études supérieures, elle ne pouvait plus se concentrer et suivre les cours, ce qui lui ôta toute confiance en elle.

Après quelques séances de relaxation et de visualisation d’un changement de comportement, elle a repris confiance en elle, elle a retrouvé l’énergie pour travailler à nouveau et elle a pu aborder les études supérieures qu’elle désirait.

Arielle ADDA nous rappelle : « La voilà la fameuse « magie de l’enfance » évoquée avec romantisme, sans que l’on sache très bien ce qu’elle recouvre […] Les enfants possèdent un pouvoir magique, qui leur permet de tout comprendre, de se mouvoir avec grâce dans l’univers de la connaissance, puis ce pouvoir disparaît quand l’enfance s’estompe et laisse place à la puberté. Mais personne ne les a prévenus de cette transformation dramatique.»

Un peu plus tard, une autre jeune fille, qui elle, alternait boulimie et anorexie et inquiétait ses parents lorsqu’elle faisait des fugues. Comme elle se faisait renvoyer par tous les centres d’enseignement ou elle passait, elle s’est inscrite à des cours par correspondance jusqu’au bac, puis elle a « réussi brillamment des études d’art, en 2008, et elle est devenue une illustratrice professionnelle reconnue.» (C’est ce qu’elle m’a annoncé 11 ans après, dans un mail qu’elle m’a adressé.)

 

Comment détecter un enfant précoce

Après cette expérience je me suis informée, j’ai suivi des colloques et des conférences organisés par la présidente de l’association  l’ « AFEP » pendant plusieurs années, ce qui m’a permis de donner des conseils et de bonnes adresses aux parents. (Il faut savoir que le quotient intellectuel normal est de cent et ces enfants possèdent un QI de cent vingt cinq à cent quarante et voir plus.)

Grâce à ces formations et maintes lectures, je peux partager mon modeste savoir sur le comportement de ces enfants.

Quelques fois ils savent lire bien avant l’âge du cours préparatoire (6ans), souvent ils aiment lire, (les filles surtout,) et dévorent les livres rapidement, et manifestent un grand intérêt pour les encyclopédies et les dictionnaires.

Les garçons ont souvent des difficultés pour l’écriture, car leur cerveau fonctionne plus vite que leur motricité, ce qui se traduit par un manque d’habileté manuelle.

Ces enfants préfèrent les camarades plus âgés et les discussions avec les adultes. Ils sont très observateurs ce qui leur permet de juger volontiers les gens. Et ils en profitent pour poser indéfiniment des questions variées et originales et usent d’un vocabulaire très développé.

Quand on leur donne des ordres ils veulent toujours savoir le pourquoi  pour pousser indéfiniment les limites.

Ils sont très distraits sauf pour ce qui les passionne. Ils ont un sens de l’humour très fin et ont un sens de l’esthétique très développé et sont souvent prédisposés artistiquement. Mais ils aiment les jeux compliqués, tels que les échecs, tous les jeux de stratégie en général. Pour leurs loisirs ils changent de hobbies dès qu’ils les ont pratiqués pendant quelques semaines, ce qui fait le désespoir de leurs parents.

Ils sont très intéressés par l’univers, les problèmes de l’origine de l’homme et par la préhistoire.

Ils sont en tête de classe sans effort apparent, mais comme ils ont peur de passer pour un « intello » alors ils en font le moins possible. Et surtout, ils n’aiment pas apprendre par cœur, ils retiennent ce qui a du sens.

Ils s’ennuient en classe si bien qu’ils se retrouvent en échec scolaire à force de paresse.

Ils ont peu d’amis et souffrent de se sentir en décalage avec leurs camarades et incompris de leurs enseignants. Car ils contestent les contraintes et l’autorité, ne supportent pas l’injustice, ils veulent toujours avoir raison, et se  rebellent à chaque discipline qui leur paraît arbitraire et injustifiée. Si bien qu’ils passent pour des enfants difficiles, voire caractériels, alors qu’ils ont surtout une sensibilité exacerbée. Cela peut aboutir à la phobie scolaire.

Les filles souffrent moins de leur différence, car la dichotomie entre leur développement psychique et intellectuel est moins importante, elles sont plus évoluées, plus matures que les garçons au même âge.

Heureusement les enseignants évoluent, et de plus en plus souvent ce sont eux qui devinent que tel enfant a des problèmes de cet ordre et demandent aux parents de les faire tester. Car le test de QI va enfin expliquer et mettre des mots sur ce mal-être qui engendre ces souffrances, faute de quoi, elles perdureront tout au long de leur vie d’adulte.

Mais il ne suffit pas d’annoncer à l’enfant « tu as tout ce qu’il faut pour réussir, tu n’as qu’à travailler » comme on l’entend quelques fois, il faut accompagner ces enfants pour qu’ils reprennent confiance en eux. Leur expliquer qu’ils ne doivent  pas monopoliser la parole en classe, pour ne pas gêner leur entourage. Mais il faut consulter aussi les enseignants, qui peuvent leur donner des exercices supplémentaires pour les occuper, ce qu’ils font souvent spontanément.

Arielle ADDA, spécialiste de ces questions, nous spécifie : «  Le cerveau limbique est celui de nos cerveaux qui mémorise le ressenti affectif de nos expériences. C’est le lieu du plaisir, du déplaisir, des émotions. Si l’expérience a été négative, le cerveau cortical connaît des dysfonctionnements qui peuvent aller jusqu’au blocage total des fonctions. »

C’est pourquoi je reçois souvent des adultes dépressifs sans raison apparente. Le fait d’évoquer leur scolarité plus ou moins douloureuse, ils comprennent mieux leur comportement, ce perfectionnisme qui les laisse toujours insatisfaits et coupable de ne pouvoir faire davantage. Au cours de la psychothérapie ils acceptent enfin leurs limites, et comme cet héritage est génétique, ils sont avertis pour leurs enfants.

 

À propos

Cette page est extraite du livre « De la sophrologie à l’hypnose » par Madeleine Julliard, thérapeute à Lyon. Vous trouverez les coordonnées complètes de l’auteur sur notre page de thérapeutes.

Bibliographie : F.Dolto: l’image inconscient du corps – Edition du Seuil ; Norbert Silamy – Dictionnaire de psychologie – Edition Larousse ; Arielle Adda – L’enfant doué l’intelligence réconciliée – Edition Odile Jacob


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